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Il neige sur le Lac Majeur
Il neige sur le Lac Majeur
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22 mai 2007

08- 28 avril

Samedi 28 avril 2007

Seul mais en nombreuse compagnie

UN LEVER DE SOLEIL FLAMBOYANT

5 h 15. En ce moment même (il est 9 h 15 en France), Geneviève doit être sur la route entre Olonne et l'aéroport de Nantes-Atlantique. Emotion réciproque d'une première rencontre à laquelle, bien que très éloigné, je m'associe complètement...

Je viens de passer une heure sur le toit du monde et d'assister, à 5 h 05 précises, au surgissement du soleil. Il a eu la bonne idée d'apparaître juste dans une brèche de la barrière de nuages, pourtant bien dense. Un véritable flamboiement. Le mot semble bien usé mais je n'en vois pas d'autre. Quant aux nuages devant nous, à l'ouest, ils se teintaient de nuances pastel, dans les roses et les mauves. Je n'avais pas mon appareil photo. Dommage.

Encore cette fois, le second était de quart. Depuis qu'il m'a montré les photos de sa femme et de ses enfants, il est redevenu avec moi complètement taciturne. Quand je suis arrivé dans la pénombre du bridge, je ne l'ai pas vu ni entendu répondre à mon salut. En revanche, son assistant, placé près de la porte, m'a immédiatement proposé un café, que j'ai accepté. (Petite précision : la cage d'escalier reste éclairée 24 h sur 24 mais quand on appuie sur la poignée de la porte d'accès à la passerelle, de l'extérieur comme de l'intérieur, le plafonnier du treizième palier s'éteint automatiquement pour ne pas gêner les hommes de quart par une lumière intempestive. Pour l'arrivant, un moment d'accommodation est nécessaire, ce qui explique que je n'aie pas vu l'officier en entrant.)

LE FLOTTBEK D'UN BON PAS

28_04_1Mes appréhensions d'hier soir ne se sont pas vérifiées : la nuit a été très calme, même s'il a plu en soirée. Ce matin encore la mer est plate sous le ciel bleu floconneux, avec seulement une légère houle, sans une crête d'écume. Le Flottbek poursuit sa marche très régulière, à 18 nœuds environ, ce qui, à cette latitude (un peu moins de 55° N) nous fait gagner à peu près 12 degrés dans l'ouest. J'imagine déjà la ligne tracée sur la carte à mon retour.

La température continue à baisser : 3° ce matin. Je n'en ai pas été surpris car mon hublot avant s'est couvert dans la nuit d'une buée épaisse et, même à l'intérieur, il fait plus frais. Je suis curieux de voir ce que ça va donner par la suite et quelles valeurs vont être atteintes à proximité de Terre-Neuve. En tout cas je ne regrette pas d'avoir apporté le bonnet de laine, les vêtements chauds et les gants de moto qui me permettent de rester dehors aussi longtemps que j'en ai envie.

UN BONHEUR SOLITAIRE AUX ASSOCIES NOMBREUX

Dans ma paisible contemplation de la mer, avant le lever du soleil, je repensais à la magnificence de ce cadeau reçu à mon dernier anniversaire. Je savoure pleinement le bonheur d'être ici : il a tout à la fois la légèreté de l'écume et la compacité de la masse liquide juste effleurée – mais en force – par l'étrave. (Légèreté et compacité, effleurement en force : je ne manie pas l'oxymore par simple plaisir de la formule mais je ne vois pas comment faire autrement pour tenter de rendre compte de sensations bigrement complexes.) Bonheur égoïste ? Je ne crois pas.

28_04_2Complètement personnel, sans doute, et impossible à faire partager, mais Geneviève, les enfants et rapportés, toute la famille, tous mes amis sont très présents à bord. Je leur ai écrit avant de partir que je les emmenais avec moi. Je ne croyais pas si bien dire. Ce que je vis depuis trois jours est considérablement enrichi de cette présence. Ce que je ressens grâce à eux tous va bien au-delà de la gratitude pour le cadeau reçu. Comment partager avec eux en retour toutes les saveurs de ce bonheur ?

LE BONHEUR C'EST SIMPLE COMME... UN COURRIEL

13 h 40. Ah ! les nouvelles technologies... J'avais ce matin préparé et placé sur une clé USB un courriel pour Olonne. Je viens de l'envoyer, de la salle de contrôle des machines où se trouve la liaison internet du Flottbek (par satellite), liaison qui permet au chef-mécanicien de mettre à notre disposition, chaque matin, un condensé, en plusieurs feuillets, de nouvelles allemandes et internationales. En moins de deux minutes mon message est parti. Il ne me reste plus qu'à espérer qu'il sera récupéré ce soir à Olonne. (Il n'est arrivé en réalité que 36 h plus tard.) Ce qui ne gâte rien, c'est que Tilo Schmitt ne m'a rien fait payer (le tarif est normalement de 5 € la minute, comme pour le téléphone). Je n'en ai pas été autrement surpris car il avait fait la même chose hier avec Rona.

Une fois encore la journée est très variée sur le plan des conditions atmosphériques. Toute la matinée nous avons eu grand soleil et mer très plate, avec juste un peu de houle. Puis, à la fin du déjeuner, le ciel s'est beaucoup assombri devant nous. Des grains très fournis tombaient à bâbord et nous avons essuyé une averse de grêle. Le vent a forci et maintenant la surface est couverte d'une sorte de clapot croisé aux crêtes blanches dans lequel le Flottbek progresse à coups de boutoir plus ou moins forts, ce qui explique les écarts de mon écriture dans mon journal. La température extérieure est restée bien fraîche.

FAUSSE ALERTE ET POTEE AUVERGNATE

Ce matin, j'ai induit en erreur mes jeunes petits camarades. J'ai vu une affichette sur la porte de la salle à manger de l'équipage annonçant l'exercice de sécurité (le drill) pour 10 h. Laurence, Stefan et moi nous sommes tenus en alerte jusqu'à l'heure du déjeuner, sans que rien ne se produise. A la fin du déjeuner, Reagan a placé une autre feuille sur la porte de notre salle à manger : “ Drill exercises - 16.00 p.m. ”

A propos du déjeuner : je ne crois pas avoir encore mentionné que, chaque jour, le lunch commence par une soupe, toujours très bonne. Celle d'aujourd'hui, très consistante, tenait plutôt de la potée auvergnate avec du saucisson, une sorte de cervelas, du bœuf, des pois, des choux, si bien qu'elle était suivie uniquement d'un dessert. Stefan et moi avons seuls eu droit à la soupe mais nos amis végétariens ne sont pas morts de faim : pour eux comme pour nous les rations sont toujours surabondantes et d'excellente qualité. (Lucy, Rona et Laurence se sont vu proposer chaque jour du poisson mais Stefan et moi avons dû “ nous contenter ” de viande presque à chaque repas pendant tout le voyage. Il est vrai qu'il nous aurait suffi de demander...)

KARAOKE EN L'HONNEUR D'AMADOR

Lucy, Tilo, Jan, Stefan M., Amador

28_04_420 h 30. Ce soir, Amador, le chef-cuisinier, fête son cinquante et unième anniversaire. Invitation générale pour le karaoké de rigueur. J'ai fait l'effort de m'y rendre, entre 19 h 15 et 20 h 15. Je ne le regrette pas, même si je n'ai pu m'associer autrement qu'en spectateur aux chansons en anglais. Tout le monde est venu, y compris le capitaine et le chef-mécanicien. Ambiance bon enfant : vigoureux applaudissements ou sifflets gentiment moqueurs en fonction des scores obtenus par les chanteurs.

Les textes des chansons s'affichaient à l'écran du téléviseur sur un défilement de photos paradisiaques des Philippines. Aucune nostalgie perceptible parmi l'équipage (d'après ce que Laurence et Rona m'en ont dit le lendemain, c'était peut-être différent en fin de soirée, quand ont été chantées des chansons philippines nostalgiques, au tempo très lent). Ce ne serait sans doute pas vivable si ces hommes se laissaient aller, mais ça ne doit pas être drôle tous les jours...

28_04_5Rona et Laurence avaient préparé une chanson en s'accompagnant à l'accordéon pour Rona et à la guitare pour Laurence. De plus, Rona a offert à Amador un petit sachet de friandises suisses. Bien, ces jeunes. Il faudra que je trouve quelque chose à Montréal pour le voyage de retour, en prévision de semblables occasions.

Avant de revenir m'asseoir dans ma cabine, je suis sorti prendre l'air. Surprise : nous venions de croiser, certainement d'assez près, un autre bateau encore bien visible par l'arrière. J'ai attendu pour rentrer que l'horizon l'ait avalé.

Gros nuages. Mer calme. Froid vif. Terre-Neuve est pour demain.

“ A VOS MARQUES !... PRETS ?...
NON, NE PARTEZ PAS ENCORE !... ”

28_04_3L'exercice prévu pour 16 h n'a pas eu lieu. Il est maintenant annoncé pour n'importe quand cette semaine. Je soupçonne le capitaine et l'équipage de jouer un peu avec nous. Il est vrai que le spectacle était assez amusant, de mes quatre compagnons, dès 15 h 45 et jusqu'à l'heure du dîner (17 h 30), équipés de leur gilet de sauvetage et le casque sur la tête... Pour moi tout était prêt (et l'est encore) dans ma cabine mais j'attendais l''alarme. J'ai bien fait. D'ici à ce qu'elle retentisse en pleine nuit... Mais non, je ne crois pas qu'ils nous joueraient ce tour-là, surtout pour la corvée que ça représenterait pour l'équipage. Et puis je ne vois pas le capitaine souhaiter ainsi un bon anniversaire à Amador.

Ça y est : je me suis lancé dans Proust, après la lecture de Freud et d'une traduction par Voltaire de trois évangiles apocryphes (j'ai trouvé par hasard ce petit livre avant mon départ, qui a piqué ma curiosité. Bof...) J'ai attaqué Du côté de chez Swann dans l'après-midi et avalé sans difficulté une centaine de pages. Sans difficulté et même avec un réel plaisir. Je suis sûr que ma lecture préalable de l'adaptation en bande dessinée (remarquable à tous points de vue) m'a beaucoup aidé à lever mes inhibitions par rapport à cette œuvre plusieurs fois abordée et abandonnée. J'attendais d'être prêt à m'y plonger. Je crois l'être et je me régale déjà.

La buée couvre déjà en grande partie le hublot avant. Il va faire bon sous la couette à reprendre le livre...

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